Pourquoi l’homme est-il le mammifère au sommet de la chaîne alimentaire ? … de tous les animaux serait-il le plus fort ? A lui tout seul ?… surement pas ! Si l’homme a survécu depuis l’âge des cavernes et s’il ne connaît pas de prédateur, c’est qu’il a compris qu’en mutualisant ses forces avec celles de ses congénères, il gagnerait à la chasse face aux bêtes féroces.
Dans la nature, la conscience animale d’être plus fort à plusieurs conduit les espèces à s’organiser en société et à répartir les rôles selon les aptitudes individuelles. Ainsi division du travail et société sont-elles intimement liées depuis toujours. La distribution des tâches à chacun selon ses compétences physiques et intellectuelles, ne suffisait donc pas à elle seule. Pour dominer les autres espèces, il fallait à l’homme une force supérieure : sa capacité foncièrement optimiste à se projeter dans le futur et à tisser du lien avec ses semblables, afin de progresser et construire un avenir meilleur.
Ainsi, comme le souligne le sociologue Richard Jenkins, à propos de l’existence des sociétés, « chaque aspect de nos vies est attaché au collectif [1] ». Et le collaboratif représente non seulement son « assurance survie », mais surtout la source principale d’ingéniosité à partir de laquelle l’homme repousse sans cesse ses limites, promu par cette irrépressible envie de se transcender, de générations en générations.
Nous descendons donc tous, sans exception, de l’homo collaboratus. Manager dans nos organisations, ne l’aurions-nous pas un peu oublié ? Et renouer avec notre nature coopérative et mieux capitaliser sur l’intelligence collective de nos équipes ne pourrait-il pas être un levier business ?
Les veilles recettes ne sont plus au goût du jour, trouver de nouveaux ingrédients
Après la prodigieuse ascension de progrès technologiques, économiques et sociaux du XXème siècle, qui a vu le développement de l’informatique et la formidable libération de la communication, dopée par la prodigieuse accélération de la circulation de l’information à l’échelle planétaire, grâce à internet, c’est toute la société qui se transforme. Une nouvelle ère est en train de se dessiner. Laquelle, il est encore trop tôt pour le dire. Nos managers, tel Christophe Colomb au milieu de l’océan, doivent naviguer à vue, sans cap précis à suivre.
Dans le flou, une évidence pour eux : la digitalisation des entreprises; certes, mais ce n’est pas suffisant. La finalité ne peut être la technologie pour la technologie quand celle-ci s’intègre à un mouvement plus profond dans l’entreprise.
Les start-up de la Nouvelle économie, non contentes d’afficher leur créativité et leur audace toute juvénile, intriguent les vieux sages du CAC40, qui surveillent les succès incroyablement fulgurants de certaines, capables de lever des millions d’euros auprès d’investisseurs ou sur des plateformes de crowdfunding. Si pour les uns, financer les start-up est un moyen d’investir dans la technologie de demain pour rester compétitifs vis-à-vis de leurs actionnaires, pour d’autres, la 3ème révolution industrielle (TRI) vulgarisée par Jeremy Rifkin [2] est en marche. Et la France ne fera pas valoir son exception culturelle puisque, déjà, à l’échelle d’un territoire qui s’étend par-delà la frontière belge, la Région Nord-Pas-de-Calais a choisi d’être pionnière de la TRI, en imaginant dès maintenant une « économie plus créative, plus responsable, plus économe en énergie et plus collaborative » pour les générations futures, nous dit Michèle Buinet-Bonaly (Directrice de la Communication de la CCI Nord-Pas-de-Calais). Dans le nord, on ne sait pas plus qu’ailleurs de quoi sera fait demain, on a juste la conviction et l’envie de prendre « la bonne route ».
La Nouvelle économie brise « l’ego-système » fermé d’un capitalisme basé sur la croissance infinie dont les revenus sont concentrés sur 1% de la population (revenus > 500 000$/an) et donne le pouvoir au consommateur de construire son « éco-système » ouvert (lire O.Scharmer and K.Kaufer [3]) où le mode de consommation ne repose plus sur la possession mais sur l’échange et le partage de pairs à pairs.
Or, le consommateur de l’Economie Partagée (Sharing Economy), à qui internet offre la possibilité d’arbitrer ses achats selon ses propres critères pratiques, esthétiques, financiers et éthiques, est tout simplement le travailleur qui vient chaque matin, s’asseoir à son bureau juste à côté de vous. De facto, le rapport de l’individu à son travail et à son employeur a fondamentalement changé. On comprend alors l’inéluctable nécessité de refondre nos modes de travail et de management, pour adapter nos entreprises et assurer leur survie, dans un nouveau système économique partagé, décentralisé et coopératif du XXIème siècle, en cours de définition.
Collaboration et agilité subliment les performances de l’entreprise du XXIème siècle
Dans sa transformation, il est nécessaire que l’entreprise étende son repositionnement Client Centric à une approche systémique de ses modes de fonctionnements englobant tous ses publics qu’ils soient externes ou internes. Elle doit se doter d’une vision Human Centric. La langue française nous offre le mot « humanisme » riche d’un sens philosophique égayé par la bonhommie de Rabelais, pour ouvrir le XXIème siècle sur la perspective réjouissante d’une Renaissance humaniste.
Le développement de l’Economie partagée nous incite à croire que le progrès de l’Homme par l’Homme, est une voie d’émergence économique. Isaac Getz, dans Liberté et Cie [4], le démontre brillamment : est profitable l’entreprise qui admet son rôle social et agit en faveur du renforcement de la cohésion des individus entre eux, en entretenant la qualité du lien d’interdépendance, induit par la répartition des tâches, tout en valorisant la singularité de chacun.
La performance de l’entreprise procède de son organisation sociale sans aucune contradiction avec ses ambitions business puisque dès son acte fondateur le mot « société » apparaît lorsqu’elle choisit son statut juridique (SA, SAS, SARL), tandis que son objet reste purement économique. Sa compétitivité découle directement de la performance collective, laquelle s’obtient par la qualité de l’orchestration et la valorisation de ses talents. Et, comme sur les terrains de sport, elle se matérialise par la constitution de pôles de savoir-faire, c’est-à-dire d’équipes.
Appréhender l’équipe, non comme entité exécutante, mais comme système humain de compétences, c’est, avec le succès qu’on lui connait, la stratégie, de Claude Onesta, entraîneur de l’équipe de France de handball : « L’idée pour moi était de passer du jeu de l’entraîneur au jeu de l’équipe. […] Le projet appartient aux joueurs. Ce sont eux qui en font une réussite ou un échec. L’entraîneur n’est qu’un guide mais je reste convaincu qu’en responsabilisant les acteurs principaux, on se donne les moyens de gagner. » On retrouve ici l’essence même du travail collaboratif, fondé sur trois prérequis essentiels : la prise en considération de l’existence de relations entre les membres de l’équipe, la responsabilité engagée de chacun, constamment partagée par rapport aux actions, la capacité de chacun à influer sur la définition et la succession des actions permettant d’atteindre l’objectif assigné au groupe [5] .
Là où le recours à une équipe lambda comme moyen d’atteindre un objectif commun, (re)gagner sa place dans un championnat pour les sportifs ou sur son marché dans un contexte économique, s’inscrit seulement dans la recherche de la rentabilité de ses actions, l’équipe collaborative et agile vise l’efficience, c’est-à-dire l’augmentation de la marge de l’entreprise.
En effet, elle maximise les gains business en augmentant sa productivité tout en consommant la juste dose d’énergies (coûts matériels et humains, qualité, délai) et en s’adaptant en permanence aux évolutions des métiers et des marchés. Elle chasse les gaspillages et favorise les économies d’échelle. Elle échange les informations de manière plus fluide en privilégiant la transversalité et gagne du temps qu’elle peut réallouer pour anticiper la nouveauté et développer sa qualité et sa créativité. Et quand on fait mieux et qu’on est plus réactif (Time to Market), on séduit ses clients. Ainsi cultivée dans la durée via l’amélioration continue, cette dynamique collaborative génère de la valeur business à moyen-long terme.
Alors comment passer d’une équipe seulement efficace qui assure simplement la rentabilité de vos actions, à une organisation collaborative et agile génératrice de profits ?
Les valeurs partagées de l’équipe collaborative et agile & les 5 signes extérieurs de sa réussite
Le travail collaboratif s’inscrit dans une relation gagnant-gagnant, prenant la forme réciproque et explicite d’un contrat social entre tous ses membres, y compris le manager dont le rôle est d’incarner la vision et de donner le sens de l’action. Pour chaque contributeur, à l’image des bâtisseurs de cathédrales qui construisent pour célébrer la gloire de Dieu, s’approprier « le pourquoi ? » il agit au quotidien, l’aide à comprendre sa raison d’être dans l’entreprise et apprécier sa contribution à l’édification du projet collectif d’entreprise.
Ensuite les rôles sont distribués aux contributeurs selon leurs compétences. La responsabilité du « comment–faire ? » pour atteindre l’objectif commun, incombe, collectivement aux « sachant-faire ». Dans l’équipe, la hiérarchie est « horizontalisée » : l’expertise métier fait désormais autorité en lieu et place d’un « manager-réclamant-contrôlant ».
De son côté, le manager a pour mission d’initier la dynamique collaborative et de la maintenir dans le temps en stimulant : la réciprocité du lien d’engagement de chacun, le climat de responsabilisation et de respect des uns vis-à-vis des autres, la confiance mutuelle et la culture du partage. En instituant ces valeurs, le manager endosse une posture de leader, accompagnateur de la réussite de son équipe, à partir de laquelle, ensemble, ils vont avoir envie de donner le meilleur d’eux-mêmes, au service de l’intérêt commun et de la performance de l’entreprise. Ainsi la réussite du manager découle-t-elle directement du soin qu’il apporte à la réussite de son équipe.
On reconnait une équipe collaborative et agile selon les cinq signes extérieurs suivants :
la vision de bout en bout:
L’équipe collaborative et agile a la capacité d’aborder la complexité des sujets grâce à une approche systémique des sujets et au développement de la pluridisciplinarité. Elle adopte une vision globale pour simplifier ses processus et les orienter sur les besoins et la demande de son client (interne ou externe). Elle concentre son énergie sur l’essentiel, en conséquence elle hiérarchise ses priorités selon les gains. Ainsi elle réduit les silos et privilégie la transversalité de l’organisation.
le respect des expertises métiers :
Les rôles et les responsabilités sont clairement définis dans des processus optimisés pour que chaque tâche s’appuie sur la valeur ajoutée des métiers. L’équipe collaborative et agile, n’aime pas le gaspillage et a recourt au réemploi des recettes qui marchent.
le goût de l’apprentissage, la curiosité et l’ouverture d’esprit :
La Serendipity est une pratique familière. Elle a soif d’apprendre des autres pour trouver de l’inspiration, soit dans le cadre de l’amélioration continue de ses activités, soit pour innover. Elle utilise les méthodes agiles (type Scrum) pour rester souple et adaptable à l’apparition d’éléments nouveaux. Elle sait qu’on apprend en marchant au risque de tomber parfois. Aussi avance-t-elle dans ses projets par itérations courtes au cours desquelles elle s’autorise des expérimentations. Les meilleures sont dupliquées et partagées, les moins bonnes servent à progresser.
le sens du patrimoine et le développement des compétences:
Elle a conscience de posséder un savoir-faire partie intégrante du patrimoine de l’entreprise constitutif de sa valeur business. Elle se sent un devoir de pérennisation par la transmission. Elle organise le transfert de compétences entre ses membres et assure leur formation continue pour assimiler progressivement les talents de demain.
le goût pour la nouveauté et la compréhension du monde digital :
Elle détecte et maîtrise très tôt, les nouvelles terminologies métiers (inbound marketing, storytelling, growth haking, lean start-up, MOOC, COOC etc.). De ce fait, dans un contexte technologique qui progresse à toute vitesse, elle est capable d’analyser la nouveauté technologique de son secteur et identifier les choix d’évolutions prioritaires. Elle travaille avec des outils digitaux, particulièrement les solutions collaboratives pour augmenter sa productivité.
Adopter une dynamique collaborative et agile dans son équipe constitue un levier de performance pour l’entreprise.
Dans un contexte économique, technologique et social mutant vers la décentralisation du pouvoir dans l’organisation, à l’image de l’énergie distribuée de la 3ème révolution industrielle, l’équipe collaborative et agile permet à l’entreprise de faciliter sa digitalisation mais surtout d’aborder la complexité des changements et d’infuser la culture de « l’innovation », centrée sur les nouveaux besoins et aspirations sociétales des consommateurs.
Elle représente ainsi un atout essentiel pour re-dynamiser sa proposition de valeur sur son marché et lui offre l’opportunité d’être actrice d’un monde qui change vite, où le collectif prend de plus en plus d’importance sur l’individuel.
Le collaboratif et l’agilité subliment les performances de votre équipe et font d’elle, signe extérieur de votre réussite, une équipe éclatante, qui brille dans l’entreprise pour l’excellence de son savoir-faire et dans laquelle on a plaisir à travailler.
Merci. Eclatante journée.
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… et si vous voulez fouiller dans ma bibliothèque :
[1] Richard Jenkins (sociologue), .
[2] J. Rifkin, la Troisième Révolution Industrielle, 2012
[3] Otto Scharmer and Katrin Kaufer, Leading from the Emerging Future : From Ego-Système To Eco-System, 2013
[4] Otto Scharmer and Katrin Kaufer, Leading from the Emerging Future : From Ego-Système To Eco-System, 2013 Isaac Getz & Brian Carney, Liberté et Cie, 2013
[5] Alexandre PIQUET Guide pratique du travail collaboratif : Théories, méthodes et outils au service de la collaboration. août 2009 Ville de Brest. p 8